vendredi 27 février 2015

Nicole Champenois, la dame de Nicri, s’en est allée

Nicole au chant, Christian au piano : Nicri
Quatre jours après la mort de notre ami Hafed Benotman, Nicole Champenois vient de nous quitter, emportée par un cancer, et cette proximité rend sa disparition encore plus terrible. Hafed, Nicole, c’était, comment dire, la même "famille". La tribu du cœur. Deux cœurs qui s’arrêtent en quatre jours. Ce blog commence vraiment à devenir vachement aléatoire, et de moins en moins littéraire. Fait chier la mort.
Au festival Les nuits rallongent de St-Amand-Montrond
Nicole, c’était la voix féminine du groupe de rock Nicri. Une voix qui donne le frisson. Écoutez le morceau Mama, pour voir. Et tous les autres où elle chante. Et ceux où elle ne chante pas. Nicri. Ni pour Nicole. Cri pour Christian. Nicole Champenois. Chorégraphe, chanteuse. Christian Roux. Écrivain, compositeur, pianiste, scénariste. Nicole et Christian, on les voyait tout le temps ensemble. Sur les planches. À la ville. Dans les festivals. Aux pièces de théâtre de Hafed. Aux procès des copains (bien que ne rivalisant pas avec le professionnel des prétoires qu’était Hafed, j’en ai eu quelques-uns, eh bien, ils étaient toujours là, main dans la main). Des inséparables. La fusion amoureuse et artistique. Ils ont même écrit un livre pour la jeunesse ensemble, chez Syros. Je crois aussi me souvenir qu’ils étaient là, avec Jean-Hugues Oppel, lorsque j’ai fait la connaissance en chair et en os de Hafed, à La Maroquinerie, l’année où Hafed est définitivement sorti du zonzon.
Nicole et son sourire bienveillant, sa générosité, sa voix (je me répète), son rire, sa douceur. Emportée par le cancer. Quatre jours après Hafed (je me répète encore, les mots commencent à se tarir en cette foutue année 2015). En plus de chorégraphier les spectacles de son homme de cœur, Nicole était aussi une prof de danse qui enchanta pas mal d’élèves du côté du patelin des Yvelines, où elle créchait avec Christian. Pas loin de ses deux filles Laure et Joanna, impliquées elles aussi dans Nicri. À qui on pense très très fort. Et à Christian, encore, qui écrit : "Je n'ai pas réussi à la sauver. Je ne suis plus rien. Mais demain existera." Y a intérêt, mon pote. Avec toi. Avec nous. Et tous les amis de Nicole et Hafed.
Le site de Nicri, c'est ici. Nicole et Christian ont ensuite créé un autre groupe, Karnage Opéra, en écoute ICI. Ci-dessous, le clip de Monnaie, qui figure sur l’album Goutte à goutte.

Nicole lit un extrait de Kadogos (Rivages Noir), accompagné à la guitare par Christian Roux, sur le site de La Noirôde.

samedi 21 février 2015

Hafed Benotman, dernière cavale

Dans la préface au recueil de nouvelles d’Abdel-Hafed Benotman Les Forcenés, paru en 1992 aux éditions Clô, dirigées par l’excellent Claude Franqueville (réédité depuis chez Rivages, qui publient aussi ses romans), le grand Robin Cook écrivait : "Si je devais définir le travail de cet écrivain, je dirais que c’est son cœur qu’il arrache devant nous et pose, encore battant, sur la table."
Le cœur de notre ami Hafed a cessé de battre hier, dans la soirée du 20 février 2015, à l’âge de 54 ans, après deux semaines d’hospitalisation, et des années de lutte contre des problèmes cardiaques de plus en plus aigus, compliqués par l’inhumanité de l’administration pénitentiaire, qui fit tout pour reculer les soins ("hors-les-murs", on appelle ça "non-assistance à personne en danger").
Crédit photo Andrea Gandini
Cet état de fait est parfaitement résumé par Hubert Artus dans le très bel hommage qu’il lui rend sur le site de l’Express : "Certes, Benotman est un multirécidiviste. Certes, Benotman est une bonne partie du Code Pénal à lui tout seul. Mais à lui seul, comme son simple vécu en témoigne, et comme ses écrits le signent, il est l’illustration d’un acharnement administratif qui fabrique sciemment des récidivistes dans les classes sociales qu’un pouvoir veut annihiler. Un acharnement qui s’appelle vengeance."
Avis de recherche : où est Hafed ?
Abdel-Hafed Benotman n’aimait guère la vengeance. Il n’aimait guère non plus la première partie de son prénom (Abdel signifiant en arabe "serviteur", vocable peu prisé par cet homme épris de justice et d’insoumission). C’est pourquoi nous l’appelions tous Hafed. Dans sa courte mais incroyablement riche, dense et belle vie, Hafed aura tout fait : braqueur de banque, prisonnier (et non pas détenu, mot qu’il exécrait), évadé, créateur du journal L’Envolée (contre toutes les prisons), dramaturge, écrivain, scénariste, chanteur, acteur, animateur d’ateliers théâtre (j’en oublie sans doute). Personne n’a oublié non plus ses incomparables qualités d'amphitryon dans le restaurant qu’il tint pendant plusieurs années avec sa compagne Francine, rue de Chambéry, dans le XVe arrondissement de Paris (les habitués reconnaîtront l’avis de recherche ci-dessous, placardé dans les WC), et qui va très bientôt renaître dans le XIe arrondissement, 167 rue du Faubourg-Saint-Antoine, à l’enseigne Chez Francine
Quant à moi, je n’oublierai jamais – il aura fallu que tu ne sois plus là, Hafed, pour que je fasse mon outing – que je dois à ce fou de vie mon premier (et sans doute dernier) rôle en tant que comédien dans un court-métrage, Le petit train, réalisé par Inès Anane et Laurentino Da Silva, qui fait partie d’une série de très courts-métrages (3') sur  un thème qui lui était cher : "Y’a pas de justice!"
Hafed, tous les gens qui l’ont rencontré vous le diront, était un homme hors du commun, qu’il était difficile de ne pas aimer (seuls quelques juges, quelques flics et quelques banquiers incultes dérogeront à cette unanimité). Il est parti hier.
Il nous reste ses livres, aux éditions Rivages (le prochain, Erika, paraît aux éditions du Horsain), et le souvenir de cette belle gueule de bandit cultivé, de son rire, de son élégance, et de cette façon qui n’appartenait qu’à lui de vous poser la main sur l’épaule, lorsqu’il vous retrouvait, en disant avec son beau sourire : "ami".
Les éditions du Bout de la ville ont publié (2016) Ça ne valait pas la peine, mais ça valait le coup, écrits de prison, accompagnée d’un CD avec un florilège de ses participations à l'émission de radio L’Envolée.
Pour commander le livre, cliquer ici.

Dans cette vidéo réalisée lors du festival Offensive sur la littérature urbaine en mai 2011, l’ami Hafed résume tout cela en 5 minutes, avec son humour ravageur.
Hafed lit une nouvelle extraite du recueil Les poteaux de torture (Rivages).
Hafed a écrit plus de vingt pièces de théâtre. Voici la vidéo des Aimants, jouée (et mise en scène par Hafed) à l’Auditorium Saint-Germain en novembre 2013. [J'en parle ICI.] La précédente, La Politesse des foules, était encore plus forte, plus extravagante, et la mise en scène beaucoup plus pêchue, mais elle n’a pas été filmée.
Ami Hafed, le monde n’est déjà pas folichon, mais sans toi, il va falloir encore plus s’accrocher.

mercredi 4 février 2015

"Pandore outragé", une œuvre magistrale de Jean-Bernard Pouy

En cherchant dans mes papiers pour écrire un texte sur Tignous et Charlie Hebdo, j’ai retrouvé ce magnifique dessin réalisé par Jean-Bernard Pouy en 2007, à l’époque où je venais d’obtenir (brillamment, à la force du poignet, et de façon tout à fait autodidacte) mon CAP d’outrageur de poulets.